Mercredi 20 janvier 2010 à 23:07

 Square des Tilleuls – Mars via la Lune
 
à Twix

  Il est petit. Il est tout petit.
Il doit avoir 7 ans, et c’est Indiana Jones.
  Autour de lui, il y a des pigeons, il y a des bancs, il y a des arbres. Des grands platanes.
Il y a des vieux. Enfin surtout un vieux. Un vieux croûton qui le regarde avec dédain. Encore un de ces monsieurs qui ont réussi dans la vie, eux, madame. Qui sont sérieux.
  Je ne pourrais le décrire mieux qu’en vous citant l’homme d’affaire du petit prince de Saint Exupéry.
Le vieillard est là, donc, à quelques mètres du jeune héros. Mais jamais deux esprits n’ont été si éloignés. Les années lumières elles-même ne pourraient accrocher au sol – où stagne le vieil homme – la tête du gosse volant dans les étoiles.

  Plus loin, au beau mileu de la place, il y a un manège. Un vieux manège cassé qui ne tourne plus.
  Dans le mangène vit un rat.
    Un petit rat qui ferait hurler l’ancêtre et rire le mioche, s’ils pouvaient en avoir conscience.
Ce minuscule rat ferait également pleurer la petite fille qui regarde le manège avec mélancolie.
Elle aurait aimé que le manège tourne encore, ne serait-ce qu’aussi lentement que tourne la planète sur laquelle n’est plus le garçonnet.
  Elle aurait aimé avoir une de ces sucettes en spirale que vend le marchand dans un coin du square.
    Elle aurait aimé que le petit garçon veuille jouer avec elle.
Elle aurait voulu qu’il se passe quelque chose dans sa vie de gamine de 7 ans.
Qu’une vache passe, au volant d’une voiture.
  Que des corbeaux deviennent blancs sous ses yeux.
    Qu’un chat noir se transforme en sorcière devant son regard stupéfait.
Que le petit garçon veuille jouer avec elle.

Mais voilà une heure qu’elle l’attend. Elle part.
  Sans voir que le vol d’Harry à destination de Mars n’a pu décoller, car le pilote a vu une petite fille mourrant de faim, et qui lorgnait, désespérée, un marchand de sucettes au square des Tilleuls.

 

Alyss

 

contraintes : 

  1. Il y a beaucoup de pigeons
  2. Il y a un vieux croûton
  3. Il y a un petit rat
  4. Il y a un manège
  5. Il y a une sucette en spirale
  6. Il y a une voiture conduite par une vache
  7. Il y a Indiana Jones

Dimanche 17 janvier 2010 à 22:23

Corbeau fous sous bruine

ARRIVÉ ! ENFIN.
  Un sac à dos sur l’épaule droite, trois sacoches pendant sur la gauche, je regarde ma nouvelle ville, la ville de Léa. Le car m’a laissé planté là comme un con, chargé comme un bœuf, mais ça, je ne m’en rends pas compte, sur le moment. Il est 16 h 07, et je vais voir Léa.
  Dans ma main un bout de papier, signé d’une bouche de rouge à lèvres. Rouge sang. Sa couleur.
  Il y a beaucoup de gens, autour de moi, chargés comme des bœufs, plantés comme des cons. Et partout devant moi, il y a aussi des gens. Partout.

  « Tu passes le carfour », je lis, pensant que la faute d’orthographe est la plus mignonne du monde.
Puis, je comprends que c’est juste un jeu de mots, lorsque j’aperçois un minibus sur lequel on a peint un four.
Un vrai four, mais avec des roues et des essuie-glace.
  Je passe le carfour.

  « Tu continues tout droit, puis tu tournes à droite au panneau qui flèche l’opéra et le théâtre. » Elle est belle, son écriture. Ça me rappelle son joli visage. Je suis tellement bloqué dans ma vision de ses yeux que je manque de rater le panneau. J’ai été réveillé par un corbeau. Un corbeau volant sur le dos. Ébloui par mon amour, je me souviens d’avoir pensé. Ce n’est pas ça, mais je ne m’en rendais pas compte, à l’époque.
  Je passe devant l’opéra. Ou plutôt devant le derrière de l’opéra. Une chorale de petits monstres et leurs musiciens nounous attendent leur passage sur scène.
Même un dimanche, les pauvres !
  Je ne sais pas encore ce que c’est d’avoir des mômes, à ce moment de ma vie. Je suis encore jeune. Mais je suis surtout amoureux.

  « Passe devant l’"atelier" et tourne à gauche juste après. »
À la vue des guillemets autour de l’atelier, je ne sais pas à quoi je dois m’attendre. La coquine, elle veut me perdre !
  Mais non.
    Je passe devant un garage plein de céramistes et de peintres. Ça ressemble à un atelier, même si, aujourd’hui, il y a plutôt une expo photo.

  « Tu arrives sur une placette, Anna t’attendra. »
J’arrive sur la placette.
  La place.
    La grand place.
Je relis le papier. « placette ».
  Je me suis trompé ? Où ? Quand ?
Je regarde autour de moi.
Les vieux sur un banc, les gosses qui gueulent, des jeunes qui jouent aux boules, des platanes gigantesques, des réverbères et des pavés mouillés éclairés par leur éclat…
… un ronronnement à mes pieds…
Anna !
  Anna, c’est le chat de Léa. Il s’appelle comme ça parce qu’elle l’a trouvé un 19.9.91 à 21h12.
    Deux palindromes.
      Eh bien, Anna, je te suis.
Amène-moi à Léa.

Alyss


Contraintes :
1/ Vous êtes un bonhomme amoureux et pudique.
2/ Vous êtes dans une ville pleine de gens serrés.

3/ Il y a Anna.

4/ Il y a une grande place avec des gosses qui gueulent et des vieux assis, des mecs et des meufs qui jouent à la pétanque, et des platanes.

5/ Il y a des corbeaux qui volent sur le dos (pour ne pas voir toute cette misère).

6/ Il y a des céramistes, des peintres, des musiciens, une chorale d’enfants, un opéra, un théâtre, un atelier…

7/ Il y a un four… et des pavés luisant sous la bruine.

 

Dimanche 17 janvier 2010 à 20:50

 Libellule Mi bémol  

  Et là, juste là, à ce temps précis, tu as oublié.
    Tu as tout oublié.
  Déjà, tu étais venu en cours, sans tes notes.
    Soupir.
    Silence, même.
  La prof n’avait pas pipé mot.
    Et là.
      A ce moment là, ce temps là, tu as oublié. Tout oublié.
    Même jusqu’à ton nom.

   Forcément, tu ne te souviens pas.
  Tu ne te rappelles pas t’être laissé porter, au rythme des cors. Au rythme de ton corps.
  Pourtant, à tous tes concerts, quand on te rappelait pour un dernier rappel, tu savais que faire. Que jouer.
    Que faire de ton jouet préféré qui jusqu’à lors était un djembé.
Mais tu as oublié.
  Tu ne sais plus ce qu’est la musique. Tu ne sais plus ce qu’est la vie. La vie en musique, la musique étant la vie. 
  Tout ça à cause d’un contre – temps.
    Plusieurs, même.
Ayant perdu tes clés, les clés de tes serrures crochetées, tu n’as même pas su si Rémi était là.
  Pourtant il l’était, là, dos au sol.
    Mais tu ne l’as pas vu.
      Tu es donc descendu, dans la rue, sans faire attention au monde, changeant autour de toi.
  Tu n’as même pas vu les canons, balançant blanches, noires et rondes plutôt canons, qui chantaient en canon.
  Tu n’as pas entendu la cacophonie des manifestants en désaccord, qui souhaitaient contrer à temps les fausses notes des chefs orchestrant, de concert, la fin du monde.
  Le monde des muses.
  Les muses d’Ikal. 

  Mais tu ne sais plus qui est Ikal.
    Et moi aussi, j’oublie, dans le vacarme incessant des mélodies urbaines.
Tu as oublié, tout comme j’oublie, l’harmonie des crépitements d’un feu, dans une odeur de papier d’Arménie. D’harmonie.
  Tu as oublié les échos des cœurs, battant la chamade comme on bat un tambour.
    Et moi, j’oublie le pianotement des gouttes de pluie sur les vitres des fenêtres.
      Les fenêtres de nos âmes. 

  Tout ça, depuis que la musique est prohibée, mollement mais sûrement, pars les bémols de la société.

Alyss


Consigne :  Ecrire une société, un pays, une ville, un quartier, au choix, changé par la musique / Changer la société, le pays, etc, avec la musique.

Dimanche 17 janvier 2010 à 20:36

> Retombée dedans ya pas longtemps.

A lire...


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Celle que je ne suis pas
Vanyda

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