A propos de sable et de rose,
j'ai, dans un coffre en bois,
une ombre fraîche,
bien repassée au col et aux poignets.
Une ombre trouvée au pied d'un réverbère,
au soleil couchant,
en plein désert berbère.
L'ombre d'un enfant,
avec dans la poche gauche
une pincée de sable,
un pétale de rose
et
une épine,
pointue et redoutable.
Comme il vous faudra aussi prendre garde
si vous choisissez
la bille
de Merlin l'Enchanteur.
Car en son coeur de verre
est enfermée la plus cruelle vague
de la plus monstrueuse tempête
que la Terre ait connue,
avec
ses dents d'écume,
mangeuses de matelots
avec
ses ouragans
goulus de goéland
avec ses vents, grands avaleurs de baleines,
cracheurs de cachalots.
Mais
gare,
je vous en prie,
chère Mademoiselle,
gare
à ne pas casser la bille de verre,
car
ce serait épouvantable déluge,
effroyable naufrage
avec tonnerre
éclairs,
éclats de verre.
Si vous aimez la musique,
chère Mademoiselle,
voici la salière
indispensable et nécessaire
pour la chasse au piano sauvage
qui vit en solitaire
sur les pentes du Kilimandjaro.
Tout bon chasseur de piano
vous dira que la meilleure heure
pour la capture d'un jeune costaud,
c'est l'aube.
Quand le piano, encore tout
engourdi de sommeil, lappe
avec délice les gouttes de
rosée sucrée au pied des
baobabs. Profiter de sa
gourmandise, s'approcher le
plus près possible, sur la
pointe des pieds, la salière
entre le pouce et l'index,
verser un pincé de sel sur la
queue du piano.
Le tour est joué !
Vous verrez alors le plus farouche des pianos
devenir doux comme un agneau.
Apprivoisé, il se laissera pianoter
pendant des heures et des heures
et des heures et des heures et des heures
et des heures et des heures et des heures
et des heures et des heures et des heures...
J'aimerais vous faire bénéficier
d'un autre trésor d'Afrique :
Les inestimables fleurs de girafe
Voyez-vous,
Mademoiselle,
le dernier soir d'orage de la
saison des pluies, les girafes
se déploient, les girafes ses
déplient, étirent leur long
cou vers les derniers nuages
et les savourent
comme des
barbes à papa.
C'est à ce moment-là que
les girafes fleurissent,
l'espace
d'un éclair.
Imaginez quel spectacle enchanteur
la course folle des girafes en fleurs.
Fermez les yeux,
imaginez
un peu...